Tuesday, August 25, 2015

Sacrifice humain chez les Aztèques

Le sacrifice humain était, dans la civilisation aztèque, comme dans la plupart des civilisations précolombiennes de Mésoamérique, un rite extrêmement courant et essentiel[1] comme l'attestent plusieurs documents indigènes et espagnols ainsi que de nombreuses découvertes archéologiques. Les méthodes de sacrifice et les types de victimes sacrifiées étaient très variés. Les plus documentés sont l'autosacrifice par extraction de sang et le sacrifice par cardiectomie (ablation du cœur) d'esclaves et de prisonniers de guerre, dans un lieu sacré qui était le plus souvent un temple au sommet d'une pyramide[GT 1].
Au cours de la colonisation des Amériques, les Espagnols ont fréquemment justifié moralement leur conquête des territoires indigènes et l'évangélisation des peuples qui y vivaient par la nécessité d'abolir cette pratique religieuse jugée diabolique[1]

Le Codex Borbonicus illustre les différentes cérémonies sacrificielles associées aux treizaines du calendrier aztèque rituel (le « tonalpohualli »)[GT 2].
Les codex du groupe Borgia, bien qu'il ne semble pas qu'ils aient été produits à Mexico-Tenochtitlan mais entre Puebla et Tlaxcala, comportent également de nombreuses scènes de sacrifice humain représentatives de ces rites chez des populations de culture très similaire à celle des Mexicas[GT 2].
Les codex mixtèques et mayas, bien qu'ils ne décrivent pas les cérémonies des peuples de l'Empire aztèque, reflètent le mode de pensée mésoaméricain et sont donc, à ce titre, une source d'information complémentaire sur le sens des rites sacrificiels dans l'ensemble de cette aire culturelle[GT 2].

La minimisation de la violence des sacrifices humains chez les Aztèques a commencé dès Bartolomé de Las Casas[G 1], qui non seulement les a présentés de manière positive comme l'expression d'une grande piété, mais a affirmé que leur nombre était inférieur à cinquante par an, en arguant que dans le cas contraire le nombre d'habitants n'aurait pas pu être aussi élevé dans l'empire aztèque[G 2].
Eulalia Gúzman, en 1958, a nié l'existence-même de ces sacrifices[G 3]. Cette théorie a été reprise et développée dans une thèse de Peter Hassler en 1992, qui prétendait démontrer qu'il s'agissait d'une invention des Espagnols pour justifier leur conquête[G 4].
Laurette Séjourné, en 1971, considérait que le principal but des sacrifices humains, dans les sociétés amérindiennes, était de supprimer l'agressivité et l'égoïsme[G 5].
Les spécialistes contemporains comme Michel Graulich critiquent ces points de vue pour leur manque d'objectivité, et les considèrent comme de simples réactions émotionnelles à un sujet inquiétant et dérangeant[G 1].

Origines

Selon les croyances aztèques, c'est Tezcatlipoca, dieu de la nuit et de la mort, qui aurait donné aux Aztèques la coutume des sacrifices humains[3]. Il aurait chassé de Tula le dieu Quetzalcoatl, qui s'opposait au sacrifice des humains[4].
On a donc longtemps attribué aux Aztèques l'implantation des sacrifices humains en Mésoamérique.
Cependant, il est avéré que cette pratique remonte au moins aux Olmèques, la première civilisation mésoaméricaine documentée.

Fonction des sacrifices

Les deux premiers cercles du monolithe appelé Pierre du Soleil évoquent la légende des soleils, selon laquelle le monde aurait déjà été détruit à quatre reprises et selon laquelle cinq Aztèques auraient dû sacrifier 400 de leurs frères pour que la Terre et le Soleil puissent s'en alimenter et éviter ainsi une cinquième destruction.
La principale fonction des sacrifices humains aztèques avancée par une majorité des sources était d'ordre religieux car les Aztèques croyaient qu'ils alimentaient les dieux et maintenaient ainsi l'équilibre du cosmos[G 6]. Il existe en effet plusieurs mythes montrant cette fonction des sacrifices.
Toutefois, selon Michel Graulich, cette explication néglige d'autres fonctions[G 7].

Fonction religieuse

Article détaillé : Religion aztèque.

Dans la mythologie aztèque

Les mythes cosmogoniques aztèques sont imprégnés de références aux sacrifices humains comme un élément nécessaire au fonctionnement et à l'équilibre du cosmos[5]. On en retrouve par exemple dans le mythe de la création du monde, dans lequel la déesse-terre Tlaltecuhtli réclame des cœurs humains et refuse de donner ses fruits avant d'être arrosée de sang[1] ; de même, dans le mythe de la création du Soleil et de la Lune, le sacrifice des dieux Nanahuatzin et Tecciztecatl leur permet de renaître sous la forme de ces astres puis le sacrifice des autres dieux est également nécessaire pour que le Soleil commence à se déplacer dans le ciel[6]. Dans le mythe nahua de la Légende des soleils, la déesse-Terre donne le jour aux 400 Mimixcoas et à 5 Mecitin (c'est-à-dire des Mexicas) ; comme les Mimixcoas se laissent aller à la luxure et à la boisson et ne ramènent donc rien de la chasse, les cinq Mecitin sont chargés de tuer les 400 Mimixcoas pour que la Terre et le Soleil puissent s'en alimenter[7].
Ce rôle régulateur est également lié à la légende des soleils, selon laquelle les dieux avaient successivement créé plusieurs mondes ou « soleils » qui furent chaque fois anéantis avec leurs habitants ; les sacrifices humains devaient apaiser les dieux afin qu'ils ne détruisent pas encore le monde actuel. Les Aztèques pensaient aussi que les sacrifices permettaient au Soleil de continuer sa course dans le ciel. Les sacrifices donnés en l'honneur du dieu Tlaloc devaient éviter la sécheresse et les inondations[8].

Expiation

K. Th. Preuss, en 1902, a appliqué aux sacrifices humains aztèques la théorie d'Orozoco y Berra selon laquelle le sacrifice est avant tout l'expiation d'une faute, en s'appuyant sur des extraits de l'œuvre de Sahagún[G 8]. Cette théorie a cependant été critiquée par Eduard Seler, qui lui opposa que les mythes aztèques montrent que la fonction principale des sacrifices était de sustenter les dieux[G 9].

Libération du tonalli

Dans la pensée aztèque, le sacrifice humain permet en effet de libérer une énergie appelée « tonalli », liée en particulier à la tête, au sang (que les Aztèques désignaient par la métaphore « chalchiuatl », « eau précieuse ») et au cœur.

Fonctions politiques

Contrôle de l'empire par la terreur

Les sacrifices avaient en outre une fonction politique d'élimination des opposants et de maintien de l'ordre par la terreur[8]. En effet, l'Empire aztèque étant perpétuellement agité par les révoltes des cités tributaires, la répression de celles-ci donnait lieu également au sacrifice d'une partie de la population révoltée. Les grandes cérémonies exceptionnelles, où un très grand nombre de victimes étaient sacrifiées, servaient également à impressionner et terroriser les populations sous domination aztèque, qui étaient invitées, avec leurs dirigeants, à assister au sacrifice de milliers de prisonniers et d'esclaves.

Légitimation de l'expansionnisme militaire

Arthur Demarest a avancé la théorie, reprise dans de nombreuses sources, que la religion aztèque non seulement légitimait l'expansionnisme militaire, mais également que les sacrifices humains liés aux guerres de conquête seraient devenus un des principaux moteurs de l'expansion de l'Empire aztèque[G 10].
Michel Graulich a objecté que seule la guerre fleurie avait pour but la capture de victimes à sacrifier et qu'elle n'était pas destinée à conquérir de nouveaux territoires puisqu'elle n'était organisée que contre les cités de la vallée de Puebla[G 10]. Les autres guerres étaient toujours motivées par d'autres motifs ordinaires, comme la suspension des échanges commerciaux[G 10].

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